A tractable TCO model to identify the (ir)relevancy domains of different delivery modes for different urban logistics markets
Adrien Béziat, Antoine Robichet, Martin Koning  1@  , François Combes@
1 : UR Systèmes Productifs, Logistique, Organisation des Transports, et Travail  (Université Gustave EIffel-IFSTTAR-Splott)
Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, Université Gustave Eiffel
25 Avenue François Mitterrand, 69500 Bron -  France

Le secteur de la logistique urbaine est aujourd'hui confronté à une situation paradoxale. D'un côté, les entreprises ont besoin d'envoyer et de recevoir leurs marchandises avec fiabilité pour garantir une qualité de service pour les ménages-consommateurs qui ont de plus en plus recours aux services de livraison, à domicile ou en points-relais. D'un autre, ces derniers se plaignent des multiples nuisances que peuvent générer la circulation des véhicules utilitaires légers (VUL) et des camions de livraison dans les villes (émissions de bruit, de polluants locaux ou de GES, congestion de la voirie, accidentologie), ces défaillances de marché impliquant que des politiques correctrices soient mises en œuvre pour minimiser l'impact sur le bien-être collectif. Enfin, il est notable que le secteur de la logistique urbaine est caractérisé par une extrême hétérogénéité, qu'il s'agisse des biens à transporter, de la qualité de service demandée par les consommateurs ou encore des lieux devant être desservis, cette diversité se traduisant par des pratiques différentes pour les livraisons. Par conséquent, il est primordial d'identifier et de mettre en concordance les types de véhicules utilisés par les opérateurs de la logistique urbaine avec les espaces et les marchés pertinents, en vue notamment de dépasser les grandes généralités et de proposer les politiques les plus appropriées à chaque segmentation.

Dans cet article, nous développons un modèle analytique facilement paramétrisable permettant de comprendre les choix des opérateurs logistiques entre 5 types de véhicules (VUL thermiques, VUL électriques, petits porteurs thermiques, petits porteurs électriques, vélos cargos électriques) pour composer leur flotte. Ces décisions sont prises en fonction des caractéristiques des biens à livrer, des technologies des modes de transport et des villes dans lesquelles ils circulent. Le cadre théorique que nous mobilisons est celui des coûts totaux de possession (TCO en anglais, pour « Total Costs of Ownership ») qui stipule que les agents économiques choisissent de s'équiper avec les véhicules qui minimisent les coûts actualisés liés à l'acquisition et à l'exploitation (énergie, salaires, maintenance) de la flotte. Si cette approche est largement éprouvée dans la littérature scientifique et technique en économie des transports, nous l'appliquons ici avec trois principales originalités.

Tout d'abord, notre modèle se veut cohérent avec les contraintes opérationnelles auxquelles font quotidiennement face les opérateurs logistiques. La taille de la flotte d'un transporteur est ainsi déterminée, pour les 5 options possibles, en regardant si le facteur limitant est la capacité d'emport des véhicules, leur autonomie ou encore la durée nécessaire pour réaliser une tournée de livraisons. Ces trois contraintes sont appréhendées au travers de facteurs exogènes ayant trait aux caractéristiques des marchandises (poids unitaire, volume), à celles de leurs clients (distance entre clients, nombre de colis par point d'arrêt) mais aussi celles des espaces urbains (temps de circulation et de stationnement, distance entre les entrepôts et le centre-ville). Intégrer explicitement ces contraintes d'exploitation est nécessaire pour bien comprendre pourquoi les vélos-cargos, par exemple, sont moins coûteux (et donc préférables) d'après le critère du TCO pour certains types de livraisons, les petits porteurs pour d'autres.

La seconde originalité de notre travail réside dans sa mise en œuvre empirique, notre exercice de calibration ayant en effet pour objectif principal de faciliter la transposition du modèle analytique à une grande variété d'espaces urbains. En donnée d'entrée, les villes sont caractérisées au travers de leur densité de population. Comme démontré à l'aide d'une série d'estimations économétriques mobilisant plusieurs sources statistiques françaises, la densité de population permet ainsi de convenablement prédire la distance entre deux points de livraison, la distance entre les plateformes et les centres-villes, la vitesse de circulation mais aussi le coût de location des micro-hubs (cette dernière variable n'étant utilisée que pour le scénario avec les vélos-cargos). Autrement dit, un résultat important de notre travail provient de sa faculté à prédire, pour une ville donnée caractérisée par une densité de population donnée, le mode de livraison qui y sera le plus approprié. Toujours sur le volet empirique, nous proposons une vaste gamme de tests de sensibilité pour questionner l'étendue du domaine de pertinence des différents types de véhicules vis-à-vis des changements des paramètres exogènes et incertains.

La troisième et dernière originalité de notre travail est liée à sa grande utilité pour l'évaluation des politiques publiques. En effet, nous couplons l'approche TCO avec une seconde approche estimant les coûts sociaux totaux (TSC en anglais, pour « Total Social Costs »). Comme déjà évoqué, les différents types de véhicules que nous étudions génèrent différents volumes d'externalités environnementales négatives (notre analyse s'intéressant au cycle de vie des véhicules dans le cas des émissions de GES), différents coûts externes de congestion et différents impacts pour les finances publiques (au travers des subventions à l'achat, des taxes sur les énergies et de la fiscalité sur le facteur travail). Dans le cas des vélos cargos, nous considérons également les gains de santé et les économies pour la sécurité sociale liés au recours à un mode actif. Au final, notre étude permet de questionner l'adéquation entre les choix d'équipement des opérateurs logistiques (basés sur le TCO) et ceux qui émaneraient d'un planificateur bienveillant (ce dernier devant théoriquement se référer au TSC). Surtout, nous pouvons utiliser notre modèle pour simuler l'impact (sur le TCO et le TSC) de différentes politiques publiques telles que changements de fiscalité, interdiction des moteurs thermiques, aménagements de la voirie, subventionnement des micro-hubs... 



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